Podcast | Descartes Insights
Épisode 3 : Naviguer dans le paysage complexe des sanctions et du contrôle des exportations
- Comment les sanctions contre la Russie impactent-elles le reste du monde?
- Comment vous assurer que tout son écosystème respecte aussi les règles?
- En regardant vers l’avenir, quelle tendance est-ce qu’on pourrait prévoir?
Transcription de l'épisode :
[LM – Laurène Matzeu de Vialar] Descartes Insights, le podcast de Descartes Systeme, leader des solutions logicielles pour les acteurs de la logistique. Je suis avec Thomas lobert, consultant solution senior Global Trade Intelligence chez Descartes et nous sommes réunis pour un nouvel épisode du saison Descartes. Alors Thomas, bonjour.
[TL - Thomas Lobert] Bonjour Laurène.
[LM] Alors on va tout de suite rentrer dans le vif du sujet, de part votre fonction. Est-ce que vous pourriez en préambule nous expliquer de quelle façon est-ce que le paysage des sanctions et du contrôle des exportations a évolué pour les entreprises hexagonales depuis le début du conflit en Ukraine notamment ?
[TL] Oui, alors le paysage des sanctions et du contrôle des exportations est devenu de plus en plus complexe depuis le début du conflit en Ukraine. Initialement, on a vu des actions plus ciblées, rapides, coordonnées de l'Union Européenne, des États-Unis et d’autres alliés, ce qui a obligé les entreprises françaises à adapter rapidement leur programme de conformité. Fin 2024, nous observons une approche plus nuancée et plus ciblée. Les sanctions ont évolué au-delà des restrictions sectorielles, larges vers des mesures plus précises, ciblant des technologies, des individus et des entités spécifiques. Cela a obligé les entreprises françaises à mettre en place des processus de contrôle et de diligence raisonnable plus sophistiquée. Nous avons aussi observé un effet d'entraînement. Donc les sanctions impactant non seulement les commerces directs avec la Russie, mais aussi les transactions avec des pays tiers soupçonnés d'évasion des sanctions, de contournement essentiellement. Cela a donc élargi la portée de la diligence raisonnable, requise des entreprises françaises, en particulier dans le secteur comme la finance, l’énergie et la fabrication de haute technologie.
[LM] Du coup, de quelle façon est-ce que les sanctions continuent contre la Russie, qui sont liées à la situation en Ukraine évidemment, impactent aussi les entreprises de notre pays ? Et pourquoi est-ce qu'aujourd'hui le contrôle accrue de toutes les parties prenantes de ces entreprises est crucial ? Vous l’avez un peu évoqué, mais tout l’écosystème autour des entreprises françaises.
[TL] Pour répondre à la première partie de cette question, les sanctions continuent contre la Russie ont un impact profond pour les entreprises françaises, mais aussi européennes et internationales. Ce qui a commencé comme des sanctions ciblées s’est transformé en un régime complet affectant de multiples secteurs de l'économie russe. Cela a forcé de nombreuses entreprises françaises à réévaluer l'ensemble de leurs opérations et partenariats russes. Il y a un risque accru de tomber sous le coup de sanctions secondaires, en particulier des sanctions américaines, ce qui a compliqué les transactions internationales même lorsqu'elles n'impliquent pas directement des entités russes. On l'a vu aussi il y a des mesures de rétorsion de la part de la Chine qui elle-même est venue avec ses propres mesures extraterritoriales donc attention à bien comprendre ces nouvelles mesures. Ceci a perturbé toute la supply chaine. De nombreuses entreprises ont dû reconfigurer leur chaîne d’approvisionnements, donc leur supply chaine, souvent à un coût important pour éviter les entités ou régions sanctionnées. Et enfin, l'examen des transactions financières a rendu beaucoup plus difficile la conduite d'activité légitime avec des entités russes qui elles ne sont pas sanctionnées. Donc il y a toujours des « good guys » qui sont là-bas. Quant à la seconde partie de votre question, le besoin de contrôle accrue de toutes les parties prenantes est devenu crucial pour plusieurs raisons. Tout d'abord les intérêts russes opèrent souvent à travers des structures de propriété qui sont complexes, qui sont opaques dans des pays tiers. Un contrôle approfondi aide donc à identifier ces connexions cachées. Ensuite, les listes des sanctions sont mis à jour fréquemment, quotidiennement pour certaines. Un contrôle régulier donc assure la conformité avec ses restrictions les plus récentes.
Logiciels de filtrage des personnes et entités sanctionnées
Gardez une longueur d'avance sur l'expansion des risques liés aux sanctions : sélectionnez une solution stratégique et un prestataire partenaire pour votre entreprise
Ensuite, les sanctions s’appliquent souvent aux entités contrôlées par des individus qui sont sanctionnées, ce qui nécessite une enquête approfondie sur les structures de gouvernance d’entreprise. Donc vous faites parfois des affaires avec une entreprise qui n’est pas sanctionnée, mais elle peut être contrôlée par un individu ou une entité qui elle-même est sanctionnée. Donc ça tombe sous le coup potentiellement de la législation. Même des activités donc indirectes avec des entités sanctionnées peuvent entraîner de l’autre pénalité et donc un contrôle complet aide à atténuer ce risque. Bien évidemment, au-delà de la conformité légale, les entreprises font face à des risques réputationnels si elles sont trouvées à soutenir indirectement des entités sanctionnées. Le contrôle doit aussi s’étendre au-delà des partenaires immédiats pour inclure les fournisseurs, les clients, les parties prenantes vraiment l’ensemble de la supply chaine pour assurer une conformité vraiment totale. Enfin, les entités sanctionnées utilisent des méthodes qui sont de plus en plus sophistiquées pour échapper à la détection nécessitant des processus de contrôle plus approfondis. Donc les entreprises françaises, notamment mais aussi de l’Union européenne, mais toutes celles qui œuvrent à l’international doivent impérativement mettre en place des processus de contrôle qui sont robustes, mais aussi en continu de contrôle de l’ensemble de leur supply chain, de la source jusqu’à leurs clients finaux ou utilisateurs finaux. Et ça passe par tout ce qui est actionnaire minoritaire, personnel clé de gestion. Il est donc impératif pour les entreprises notamment, évidemment, françaises, mais aussi européennes et toutes celles qui œuvrent à l’international, de mettre en place des contrôles, des processus de contrôle robuste et continu de l’ensemble de leur supply chain, tout ce qui est tous les intermédiaires, les utilisateurs finaux, les actionnaires des entreprises avec lesquelles elles traitent, afin de pouvoir s’assurer d’être en conformité avec la législation. Cela nécessite bien souvent la mise en place de logiciels de contrôle, avancer et de consacrer des ressources importantes aux efforts de diligence raisonnable.
[LM] Justement Thomas, par rapport à ce que vous venez de me dire, ça paraît vraiment être un travail à part entière pour une entreprise, donc ce n’est pas le cœur de métier, comment on fait, finalement, pour pouvoir assurer ce contrôle, rester dans les clous, s’assurer que tout son écosystème respecte aussi les règles, et comment fonctionnent ces logiciels, vous venez d’évoquer, qui accompagnent finalement les entreprises françaises dans tout ce processus ?
[TL] Alors oui, aujourd’hui, on parle beaucoup avec nos clients, bien évidemment, parce que nous fournissons de tels logiciels, et on s’aperçoit que bien souvent, aujourd’hui c’est fait de manière très manuelle. Donc il y a une équipe souvent qui est très réduite parce que la conformité notamment contre les sanctions jusqu’à maintenant est plutôt vue comme un centre de coups et donc elles sont souvent une ou deux personnes rattachées très souvent chez les juristes et donc elles doivent essayer de de se tenir au fait des changements comme j’ai dit tout à l’heure qui sont des fois quotidiens aussi non seulement de l’Union européenne, des Nations unies, des États-Unis et d’autres juridictions et donc tout ça nécessite de connaître ces réglementations, d’aller sur les sites de chacune de ces entités et donc de faire ça de manière manuelle et simplement...
[LM] C’est colossal.
[TL] C’est impossible. Et donc la vitesse à laquelle les nouvelles réglementations opèrent, c’est du 24 sur 24, 7 jours sur 7 et donc ça nécessite des logiciels très poussés qui peuvent automatiquement récupérer toutes ces mises à jour et pouvoir les retranscrire dans les logiciels et vous maintenir les entreprises françaises, européennes, etc. dans la conformité.
[LM] Est-ce que vous avez senti ces derniers mois, ces dernières années, avec l’augmentation de cette tension géopolitique, une utilisation accrue de ces logiciels ? Vous qui vivez la chose au quotidien ?
[TL] Oui, absolument, on a de plus en plus de demandes. On a aussi pas mal de demandes d’acteurs qui font partie d’une supply chaine qui utilisent, enfin, qui sont fournisseurs d’un de nos clients donc la boîte d’honneur d’ordre qui elle utilise nos sociétés qui leur disent maintenant on va falloir vous même que vous aillez un programme de conformité de contrôle des sanctions etc pour pouvoir faire partie de notre supply chaine et donc on en voit de cette manière de plus en plus aussi.
[LM] Alors si on se projette un peu en regardant vers l’avenir, quelle tendance est-ce qu’on pourrait prévoir, même si c’est difficile de prévoir des tendances, mais comment on pourrait imaginer l’évolution de ce paysage, un peu des sanctions et du contrôle des exportations, notamment pour toujours les entreprises de notre pays ?
[TL] Alors tout d’abord, la vitesse à laquelle des réglementations, enfin le changement va opérer ne va aller qu’en s’accroissant, on s’attend à voir des contrôles plus unioncés sur les technologies de pointes, obligant les entreprises technologiques françaises notamment, à être particulièrement vigilantes. À mesure que les régimes de sanctions mûrissent, nous sommes susceptibles de voir des actions d’application beaucoup plus robustes, y compris contre les violations involontaires. On le voit par exemple au Royaume-Uni où il y a maintenant un office qui est chargé de mettre en place ces actions de manière très forte. Le régime de sanctions mondiales de l’Union européenne en matière des droits de l’homme pourrait s’étendre affectant les entreprises françaises opérant dans ou avec certains pays. Alors on le voit déjà avec la directive sur la diligence raisonnable qui est mise en place à laquelle les États membres et les entreprises vont devoir se mettre en conformité d’ici un an ou deux. La réglementation sur les crypto-monnaies aussi qui sont de plus en plus utilisées pour échapper aux sanctions. On pourrait voir de nouvelles réglementations affectant les secteurs financiers et technologiques notamment français évidemment. Il y aura probablement une pression continue pour diversifier les chaînes d’approvisionnement, loin des entités potentiellement sanctionnables, impactant donc les stratégies d’approvisionnement de la supply chaine. Et on s’attend aussi à voir une beaucoup plus grande adoption d’outils d’intelligence artificielle, d’apprentissage automatique, dans le contrôle des sanctions et la conformité au contrôle des exportations.
Souhaitez-vous en savoir plus sur le commerce international ?
Parlez à l'un de nos experts dès aujourd'hui.
[LM] Alors pour finir notre entretien, est-ce que vous pourriez peut-être prodiguer quelques conseils aux entreprises ? Après qu’elles J’ai entendu tout ça et qu’elle est peut-être pris peur. On l’a bien compris pour céder à ses logiciels, mais pour rester en avance et pour comprendre cette évolution, comment est-ce qu’elles peuvent faire ?
[TL] Oui, bien sûr. Alors, s’il y a un mot clé à connaître, c’est proactif, être proactif. Donc, premièrement, c’est investir dans la conformité. C’est un coût nécessaire. On ne peut plus faire sans programme de conformité et en cédant de technologies qui peuvent vous aider à être en conformité évidemment. Bien sûr, rester informé, avoir une équipe dédiée, céder de logiciels qui existent pour être mis à jour au jour le jour, et quand ça arrive surtout, il faut effectuer des évaluations des risques de manière régulière, il ne faut pas le faire une fois et y regarder trois ans plus tard, ça ne fonctionne plus comme ça. Comme on l’a dit tout à l’heure, l’accélération des réglementations du changement dans les réglementations fait que c’est plus une option d attendent tous les trois ans, quatre ans ou cinq ans pour réévaluer ces risques. Il faut favoriser une culture de conformité. En fait, dans une entreprise, tout le monde est un acteur de la conformité. Ce n’est pas seulement l’équipe de conformité, c’est la supply chain, c’est les juristes, c’est les appro, c’est le procurement, etc. Donc il faut favoriser absolument cette culture de conformité pour pas que justement les personnes qui font une revue de toutes ces problématiques soient vues comme le petit canard boiteux de l’entreprise. Ce qui est souvent le cas aujourd’hui. Il faut tirer parti de la technologie. Absolument, on ne peut plus faire ça. Il faut investir dans des outils avancés pour justement aider au contrôle et à la gestion continue des changements dans ce domaine. Car on fait face à des situations complexes, on l’a dit tout à l’heure. Les entités sanctionnées russes sont de plus en plus pointues dans leur manière de se cacher et de cacher leurs activités très profondément. Et bien entendu, dernier conseil, c’est collaborer au sein de l’industrie, donc partager avec ses pairs les autres entreprises les meilleures pratiques, mais aussi avec les autorités. Elles sont toujours de très bons conseils pour donner des voies de potentiel dans lesquels investir. Et surtout n’oubliez pas que dans ce paysage complexe, une approche proactive comme je disais au début et approfondie de la conformité peut en fait devenir un avantage concurrentiel pour les entreprises françaises qui opèrent à l’échelle internationale parce que connaître les risques et pouvoir les maîtriser et ouvrir des opportunités à l’échelle internationale. Donc voilà, ce n’est plus nécessairement un centre de coût, mais ça peut être un secteur compétitif ou amener de la compétitivité à l’entreprise.
[LM] Alors dernière petite question, est-ce que les entreprises ont conscience de cette nécessité d’être proactive ? Est-ce que c’est quelque chose que vous sentez s’intégrer dans leur culture ?
[TL] Alors oui et non, c’est mitigé, je dirais. Certaines entreprises entreprises le font parce qu’on leur a dit de le faire. Ils comprennent pas forcément les enjeux donc on essaie d’éduquer, de leur dire, de leur expliquer pourquoi c’est important. Après voilà c’est important pour elles surtout. Ce n’est pas des sociétés comme les nôtres qui vont être impactées mais voilà c’est... non c’est quelque chose qui n’est pas forcément ancré encore en France ou en Europe. En tout cas pas comme aux États-Unis où là c’est vraiment... il y a une culture de la compliance, de la conformité qui est beaucoup plus importante. Là, évidemment, c’est quelque chose qui est obligatoire notamment parce que les actions des autorités américaines sont très percutantes et peuvent être mettre à plat vraiment au hagenou toute société.
[LM] Donc il est nécessaire que les entreprises françaises écoutent attentivement ce podcast.
[TL] Absolument.
[LM] Voilà, c’est donc la conclusion. Merci beaucoup Thomas.
[TL] Merci Lorraine. Au revoir.
[LM] Au revoir.
Descartes Insights, le podcast de Descartes Systeme, leader des solutions logicielles pour les acteurs de la logistique.